par Marie-Françoise Louche et Pascale Pierret
Conclusion
"Les jeux de passage" offrent la possibilité de recontacter ce qui nous constitue, notre mode d'être au monde, de laisser émerger son empreinte réactivée par le corps, de l'apprivoiser... Puis d'en jouer, de rejouer, de moduler au présent en fonction des besoins ressentis. Et puis, de s'en détacher... de s'accueillir au présent. C'est un travail profondément transformateur - au-delà de notre compréhension mentale -. Cette métamorphose nécessite un lien de confiance et de sécurité avec le thérapeute, ce lien sécure, levier de toute transformation, que nous décrit la théorie de l'attachement.
Le thérapeute se doit d'être intensément présent (dans sa connaissance, son corps, son cœur, son intuition), il est en lien, bienveillant, suffisamment et adéquatement confrontant, l'Autre grandit de cette confiance réciproque et de cette expérimentation de son pouvoir d'être ! "Vas y, je sais que tu peux y arriver !". Dans les jeux avec les enfants et leurs parents, chacun peut découvrir et reprendre confiance dans ses propres compétences et dans celles de l'autre.Ce lien, indispensable pour expérimenter la proposition, en sortira renforcé. Tout comme quelque chose du lien de la personne avec elle-même (et/ou avec ses parents) et au monde se trouvera modifié et renforcé !
Les jeux de passage amplifient ce qui se joue en nous lorsque nous réalisons une étape, une transformation... Cette amplification rend plus perceptible, plus réel ce qui subtilement agit en nous.
L'amplification de la respiration dans la thérapie par le Souffle agit dans un registre sensiblement proche. Ici encore, la proposition est de traverser et d'accueillir en sécurité et en lien avec le thérapeute et soi-même !
Notes
(1) FREUD S.
En ce qui concerne l'état affectif caractérisé par l'angoisse, nous croyons savoir quelle est l'impression reculée qu'il reproduit en le répétant. Nous nous disons que cela ne peut être que la naissance, c'est-à-dire l'acte dans lequel se trouvent toutes les sensations de peine, toutes les tendances de décharge et toutes les sensations corporelles dont l'ensemble est devenu comme le prototype de l'effet produit par un danger grave et que nous avons depuis éprouvées à de multiples reprises en tant qu'état d'angoisse"
Ferenczi S., autre disciple désavoué de Freud et peut-être premier théoricien des psychothérapies à médiation corporelle, voyait la naissance comme une catastrophe ontogénétique et phylogénétique. En 1924, dans son livre célèbre "Thalassa", il émet l'hypothèse que dès sa naissance l'homme est dominé par une tendance régressive permanente visant au rétablissement de la situation intra-utérine. Ferenczi reconnaît dans l'ontogenèse, la récapitulation de la phylogenèse. La naissance apparaît dès lors, également, comme la récapitulation individuelle de la catastrophe de l'assèchement des océans : l'obligation au niveau de l'évolution des espèces de s'adapter à la vie terrestre et aérienne.
(2) WINNICOTT D.
"Cette relation (d'identification) entre la mère et l'enfant commence avant la naissance de l'enfant et se poursuit dans certains cas pendant le processus de naissance et au-delà. Pour moi le traumatisme de la naissance est l'interruption dans le fil de la continuité d'être (going on being) de l'enfant… Dans la majorité des cas, ce traumatisme de naissance est donc modérément important et entre pour une bonne part dans ce qui pousse à la renaissance"
(3) DOLTO F.
La castration symboligène "rend compte du processus qui s'accomplit chez un être humain lorsqu'un autre être humain lui signifie que l'accomplissement de son désir, sous la forme qu'il voudrait lui donner, est interdit par la loi. Cette signification passe par le langage, que celui-ci soit gestuel, mimique ou verbal".
(4) CYRULNIK B.
"La clinique et les recherches psychologique et psychiatrique montrent aujourd'hui que les premiers mois de la vie, le bouillonnement synaptique subit la moindre pression du milieu pour créer un tempérament qui va socialiser l'enfant."
(5) CYRULNIK B.
"- Quand il n'y a jamais eu de lien, les dégâts sont majeurs et difficiles à résilier.
- Quand le trauma a déchiré un lien auparavant bien tissé, la résilience sera plus facile à déclencher.
- Quand le lien a été distordu avant l'impact, la résilience sera possible et difficile."
(6) CYRULNIK B.
"Quand les représentations que le sujet se fait de son trauma s'accorde avec les récits de sa famille et de son entourage, le sujet se sent compris, sécurisé, il est réintégré dans son groupe d'où le trauma l'avait expulsé".
(7)
PTSD = Post Traumatic Stress Disorder ou Syndrome de stress Post Traumatique ou Etat de Stress Post Traumatique
Bibliographie
BOWLBY J., Le lien, la psychanalyse et l'art d'être parent, Paris, Albin Michel, 2011
CYRULNICK B., Attachement, trauma et résilience, Les notes de l'Institut Diderot, 2016
CYRULNICK B., De chair et d'âme, Paris, Odile Jacob, 2006
DOHMEN B., GERE C., MISPELAERE C., Trois fées pour un plaidoyer, Bruxelles, Amyris, 2003
DOLTO F., L'image inconsciente du corps, Paris, Seuil, 1984
EMERSON W.R., Birth trauma and the psychological effects of obstretical interventions, Journal of prenatal and perinatal psychology and health, 13(1)11-14
FERENCZI S., Thalassa. Psychanalyse des origines de la vie sexuelle, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1992
FREUD S., Totem et Tabou, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1965
GROF S., Pour une psychologie du futur, Paris, Dervy Poche, 2009
LEVINE P. A., Réveiller le tigre. Guérir le traumatisme, Paris, Inter-Editions, 2013
ORR L., HULBIG K., Rebirth, Escalquens, Dangles, 1994
RANK O., Le traumatisme de la naissance, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1968
SOLTER A., Développer le lien parent-enfant par le jeu, Chêne-Bourg, Jouvence, 2016
WINNICOTT D., De la pédiatrie à la Psychanalyse, Paris, Payot, 1968
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