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Présentation faite au colloque FPHE 2018


par Marie-Françoise Louche et Pascale Pierret


2 Rejouer la Naissance - Les mémoires de Naissance

2.1 Psychothérapie par le Souffle et périnatalité

Depuis Léonard ORR , en passant par Stanislas GROF , l'abord de la périnatalité et des mémoires de la naissance occupent une place importante dans le corpus théorique et la pratique de la psychothérapie par le Souffle. Toutefois, les techniques respiratoires, que nous utilisons lors de nos séances thérapeutiques ne garantissent pas toujours de pouvoir accéder au périnatal.
De plus, elles ne s'adressent qu'à des patients adultes ou grands adolescents.
William EMERSON , invité en 1994 par Marguerite JORIS, fondatrice de l'association "Renaitre" (première association professionnelle à former au Rebirth en Belgique), et par le professeur Jean DIERKENS de l'université de Mons, allait nous permettre de comprendre comment travailler les mémoires de naissance avec les enfants et leur famille. A partir de la méthode des jeux de naissance élaborée par EMERSON, notre collègue Monique SOMERS, psychomotricienne et psychothérapeute par le Souffle, aujourd'hui décédée, a mis sur pied les premiers protocoles de "jeux de passage" à l'usage aussi bien des enfants et de leur famille que des adultes. Cette approche a également été développée et adaptée pour les bébés par Brigitte DOHMEN et son équipe de sages-femmes et d'accompagnateurs à la préparation affective de la naissance.


2.2 La place de la naissance dans l'histoire de la psychologie analytique (bref topo)

Les pères fondateurs de la Psychologie analytique avaient déjà souligné l'importance de cette expérience de la naissance .

La naissance d'après S. FREUD serait le lieu où nous éprouverions l'angoisse pour la première fois. L'angoisse, "angst" en allemand, se traduit littéralement par resserrement respiratoire, rappel de ce premier souffle que nous avons dû alors pousser. FREUD a élaboré plusieurs théories de l'angoisse. En 1916 lorsqu'il concevra l'angoisse comme monnaie d'échange et substitut de l'affect refoulé, il verra dans les symptômes de l'angoisse, un héritage, une réminiscence de la naissance où on l'aurait éprouvée pour la première fois (1).

Rank, disciple de Freud construisit toute son œuvre et sa pratique autour du concept de "traumatisme de la naissance". Si pour Freud, l'angoisse névrotique renvoie à la castration phallique, pour Rank, son noyau se constitue en réaction au désir du névrosé de retourner tout entier dans la mère. Le névrosé s'avère incapable de se débarrasser du traumatisme de la naissance qui consiste à se préserver de l'angoisse par la satisfaction sexuelle.

La naissance est-elle toujours un trauma ?

D.W. WINNICOTT viendra ici apporter un éclairage très intéressant en distinguant l'expérience normale de la naissance et celle traumatique qui peut, selon lui, engendrer un état de paranoïa congénitale. Dans un exposé présenté à la société britannique de psychanalyse en 1949 : "le souvenir de la naissance, le traumatisme de la naissance et l'angoisse", WINNICOTT apporte un éclairage nouveau sur l'expérience de la naissance "revécue" en analyse. La naissance n'est plus conçue seulement comme une expérience traumatique, mais elle s'avère pouvoir être aussi une expérience normale et constructive(2) .

Toute naissance est une rupture : le passage d'un état à un autre Elle opère la première castration symboligène : la castration ombilicale dira Dolto. Pour qu'elle réussisse, l'adulte qui formule la castration doit rester dans le lien avec l'enfant et dans un rapport juste à la loi, auquel il se sait être lui-même soumis. Le renoncement de l'enfant, ici au ventre de la mère, offre l'opportunité de demander à l'autre ce qui vient à manquer, créant ainsi le lien à partir de la coupure et permettant la relance du désir. La castration (3) (le sacrifice diront les jungiens) devient alors le gage du passage à un stade plus évolué, plus riche de la croissance psychique et du rapport à l'autre. Rejouer ce passage permet à chacun de saisir ou de projeter fantasmatiquement sa capacité à renoncer à la toute-puissance, de faire face à l'inconnu dans un lien de confiance à l'autre.

Nous sommes ici dans un paradigme psychanalytique où la source de l'angoisse est internalisée. Nous pensons que cette vision ne suffit pas à tout expliquer de la souffrance et de la pathologie périnatale. Que se passe-t-il quand dans l'accouchement vécu, la naissance, l'épreuve se transforme en Trauma ? Quelles conclusions peut-on en tirer pour une psychologie clinique de la périnatalité, pour la psychothérapie et la prévention ? La théorie de l'attachement et plus particulièrement la contribution de Boris CYRULNIK, va nous permettre d'ébaucher de nouvelles réponses et finalement d'éclairer notre travail avec les Jeux de passage.

Déjouer le trauma : Attachement, trauma et résilience

Pour les tenants de la théorie de l'attachement comme Boris CYRULNIK (4) , l'enfance est le moment privilégié pour l'acquisition des patterns d'attachement qui sont imprégnés dans la mémoire biologique, pétris par les pressions du milieu et modifiables lors des périodes sensibles de l'existence, par les par traumatismes et les grands évènements socio-culturels.

Ce modelage du milieu exerce déjà son influence sur la vie prénatale, les troubles les plus précoces ouvrant souvent sur les pathologies les plus sévères, comme la psychose.

La naissance opère la première rupture avec notre figure d'attachement primaire : la mère et la première perte de notre niche affective originaire, le ventre maternel. Mal vécu, ce premier passage peut déjà laisser une empreinte négative profonde sur notre capacité à entrer en relation avec le monde et avec nous-même. On peut ici rejoindre le questionnement sur la période critique et "l'empreinte de naissance" largement abordé en éthologie.

BOWLBY, dans sa recherche sur l'angoisse de séparation, basée sur l'observation de James ROBERTSON de tout petits séparés de leur mère suite à une hospitalisation, nous montre que la séparation donne lieu à 3 phases : une première phase de protestation colérique suivie d'une phase de désespoir plus ou moins silencieux, puis d'une phase de détachement où l'enfant semble devenu indifférent à la situation (toutefois le rejet de l'adulte lors des retrouvailles montre justement qu'il n'en est rien. Il s'agit d'un mécanisme de défense auquel succède généralement une phase de poursuite anxieuse où l'enfant colle à sa mère). Sur la base de ces conclusions et de celles des travaux des éthologistes sur la carence maternelle chez les singes rhésus (cf. les travaux princeps de HARLOW), J. BOWLBY estime que l'angoisse de séparation se déclenche chez l'humain lorsqu' une situation requiert à la fois une fuite et un rapprochement mais qu'aucun ne se trouve disponible. On retrouve ici la structure même d'une naissance traumatique. Or, les conclusions des recherches sur le trauma nous montrent que la réaction de sidération, subir complètement impuissant, laisse des traces pathologiques chez les humains (contrairement à ce qui se passe dans le monde animal. (Cf. P.A. LEVINE ).

Qu'est-ce qu'une naissance traumatique ?

Nous vérifions dans notre pratique que des adultes relatant un accouchement difficile, voire extrêmement violent et douloureux, semblent ne pas en garder de trace invalidante. En ce qui concerne les enfants qui rejouent ce type d'expérience, il arrive que leur manière de vivre nos jeux démontre surtout leur incroyable force d'adaptation, de confiance en eux et dans leur entourage. D'autres, adultes ou enfants, semblent avoir eu une naissance "normale" et en gardent malgré tout une empreinte traumatique (stress (PTSD ), dépression, compulsion de répétition). Comment expliquer cette différence ?

Nous trouvons réponse à cette question dans la théorie de l'attachement qui a démontré que la qualité du lien avec la figure d'attachement conditionne très précocement et de manière durable la capacité de l'enfant, et plus tard de l'adulte, de se lancer dans l'exploration du monde, de faire face à l'anxiété et aux épreuves et de nouer de nouvelles relations. Nous postulons que la qualité de ce lien s'instaure déjà dans le ventre de la mère, dans la capacité pour le fœtus et son environnement de pouvoir entrer en contact et communiquer et que l'expérience de la naissance renforce ou modifie parfois durablement ce premier pattern d'attachement.

Chapitre 3 : illustration par 3 vignettes




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