Naître, c'est se déposséder, c'est s'accepter avec ses deux mains nues et son visage à découvert. Naître, c'est quitter son masque et ses déguisements. Naître, c'est oser, c'est prendre le risque, c'est quitter la terre ferme, c'est ne pas savoir à l'avance ce qu'il y a devant, c'est accepter l'inconnu, l'inattendu, l'imprévu, et la rencontre. Naître, c'est inventer de nouveaux mondes qui deviendront des mondes nouveaux. Naître, c'est tout laisser derrière soi, ses greniers et ses garde-manger ses coffres-forts et ses sécurités, ses habitudes et ses certitudes. Naître, c'est quitter son abri, c'est essuyer le vent de face et porter le soleil sur son dos. Naître, c'est avoir trop froid et trop chaud. Naître, c'est n'avoir plus d'autre maison que le passage. Naître, c'est accepter que le pain n'ait plus le même goût et c'est accepter peut-être qu'il n'y ait plus de pain du tout ... Naître, c'est choisir la faim, c'est se laisser tirer dehors par l'appétit ; pousser en avant par le besoin. Naître, c'est choisir d'être affamé contre le rassis et le repus. Naître, c'est apprendre la pauvreté. Naître, c'est oublier sa montre, c'est quitter l'heure, laisser l'horaire et oublier sa moyenne. Naître, c'est prendre le temps d'aimer. Celui qui naît est un inventeur : c'est un nomade. Celui qui naît se croyait seul : il est plusieurs |