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Association des Praticiens du Souffle

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Tout l'être respire


Fermer les yeux.

Prendre conscience de ce qui est là, maintenant, de nos sensations : sommes-nous tendus ou relâchés ? Sentir le poids du corps, le laisser s'enfoncer dans le matelas. Eprouver le tonus musculaire, certains lieux du corps nous semblent confortables mais d'autres sont noués, voire douloureux : sensations de boules, élancements, pressions, tout le corps résiste. Lâcher !

Prendre conscience de comment nous respirons là, maintenant, sans rien changer. Nous suivons le trajet de la respiration, respirons-nous de la tête aux pieds ? Sentons-nous à l'inspire notre ventre, nos côtes, notre abdomen se soulever jusque dans les épaules ? Respirons-nous jusque dans la tête ? Profitons-nous de l'expir pour nous vider de la tête aux pieds, goûter la délicieuse sensation de se dé-prendre, détacher, détendre ? Réalisons que nous respirons faiblement, juste assez pour survivre.
Respirer amplement !
Prenons maintenant conscience de notre ressenti émotionnel, à quoi ressemble notre ciel intérieur ? Accueillons ce qui est là dans l'instant, respirons-le sans chercher à le penser ou à le retenir. LACHER PRISE !

Ainsi commence une séance de respiration dans le cadre de la psychothérapie par le souffle. Ensuite, bien loin de vouloir atténuer les sensations de résistance, nous allons au contraire, chercher à les intensifier, en proposant au patient de respirer très amplement, plus rapidement, sans faire de pause entre l'inspir et l'expir (hyperventilation). Ce type de respiration aura comme conséquence ; au niveau musculaire, de voir les tensions s'exacerber jusqu'aux contractions, tandis qu'au niveau cérébral, le néocortex mis en veilleuse, d'autres zones du cerveau pourront s'activer, comme le cerveau limbique, permettant l'accès à l'émotionnel et à des mémoires archaïques. On constate alors, que cette montée en tension et en résistance, arrivée a son point d'acmé, fait place, spontanément, à une descente vers la détente musculaire et l'apaisement émotionnel. Le relâchement musculaire est à la mesure de la tension qui l'a précédé et l'état de quiétude intérieure, à la mesure de l'intensité émotionnelle vécue dans la respiration.

Le travail du souffle nous montre que résistance et lâcher prise sont deux moments complémentaires et indissociables que ce soit dans une respiration intensifiée, ou dans la respiration " normale " où la contrainte, la résistance que le corps oppose à la montée du souffle lui donne contenant et ampleur.

Observons encore comment dans la souffrance ou l'angoisse, nous résistons au ressenti en bloquant notre respiration. Toutes les méthodes de relaxation et d'apprivoisement du " tumulte " intérieur (sophrologie, autohypnose etc ...) démontrent que c'est au contraire dans l'alliance d'une résistance qui se fait écoute et d'un lâcher prise porté par le souffle que la douleur s'estompe et que la confiance revient.

Entrer en psychothérapie c'est aussi entrer en résistance. Surprise pour le patient qui consciemment, peu ou prou, vient pour changer et découvre assez vite que tout son être résiste, lutte pour rester le même ! C'est tout l'art du praticien d'aider son patient à prendre conscience que les différents mécanismes de défense qu'il a mis en place dans sa vie comme : contrôler tout obsessionnellement, nier l'évidence, éviter le contact, attribuer à autrui ses propres sentiments etc ... tous ces modes de résistance à l'inconnu, voir à l'hostile sont à honorer et à respecter car ils lui ont permis de se construire. Dans le même temps, il s'agira pour le patient de réaliser que certaines constructions ressemblent à des forteresses impénétrables où l'on étouffe dans le noir et la solitude et que d'autres au contraire, ouvertes à tous vents, manquent de fondations, de cloisons et de serrures pour fermer la porte à l'indésirable. On peut apprendre à résister intelligemment !

Lâcher prise : se déprendre, ouvrir les mains, le coeur, l'esprit, au nouveau. Lâcher prise : se dé- identifier, je ne suis pas que l'ego, grâce à cette part d'inconscient qui m'habite, grâce à ce qui en moi est plus grand que moi et que certains nomment le Divin. Cet abandon, cette déprise, je la vis et je l'expérimente plus particulièrement dans le souffle. Lorsqu'en moi la respiration se calme, s'apaise, tout s'allège et même, pour un court et délicieux moment, s'arrête. Prêter attention ; Méditer.

Résister : pour connaître ses limites, se reconnaître, naître à nouveau, sentir ce passage où l'ancien résiste, où ce qui est connu me retient comme ce premier contenant bienveillant du ventre de ma mère, que j'ai du quitter pour me lancer dans la vie. Le nouveau peut m'apparaître inquiétant, angoissant comme cette première fois où ma respiration a changé, passant du cordon, de l'aquatique, aux poumons, à l'aérien. De passages en passages (de castration symboligène en castration symboligène dirait Dolto), chaque fois sacrifier un monde où mes besoins régnaient en maître, pour accéder à un monde plus symbolique, plus relationnel. De résistances en lâcher-prises, nous grandissons, jusqu'à ce dernier passage qui nous verra étreindre et nous retenir une dernière fois aux berges du vivant, rendre notre dernier souffle pour l'Ultime qui nous attend.

Résister pour mieux lâcher prise : comme une vague, accompagner de tout son être le mouvement du souffle. Dans le sac de l'inspir, s'éprouver consistant, résistant, permanent. Dans le ressac de l'expir se vider, s'absenter à soi-même pour se rendre présent à l'éternité de l'instant. Tout l'être respire.


Marie-Françoise Louche




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